Entre une pointe d'orientalisme et la volonté de raconter un islam intime
et pacifique, redécouvrez le traitement du ramadan dans les médias français des
années 30.
L’Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan, s’annonce cette année pour le
1er mai au soir en France. Sur les réseaux sociaux ou dans les messages
adressés au médiateur de Radio France, des lecteurs déplorent parfois la place
accordée par les médias en général et France Culture en particulier au ramadan
et à l’observance chez les musulmans. Mais saviez-vous qu’en 1935, on sonnait
le canon en France pour annoncer la fin du ramadan ?
On l’apprend en parcourant Le Petit journal, et ses éditions des années 30
sur le site des archives de presse Retronews. “Un coup de canon dans les
villes, le chant du marabout dans les campagnes annonceront ce soir que la
période d’abstinence s’achève. Voici trente jours que, du lever au coucher du
soleil, les mahométans n’ont pris aucune nourriture”, écrit le quotidien
parisien dans son édition du 6 janvier 1935.
Républicain et conservateur, Le Petit journal disparaîtra à la Libération,
en 1944, confondu pour avoir reçu des financements de Vichy sous l’Occupation.
Mais une décennie plus tôt, en 1935, il fait plutôt œuvre de pédagogie en
matière d'islam, non sans une pointe d’ironie : “A la tombée de la nuit,
les musulmans de Paris pourront passer à côté d’un infidèle qui mâchonne un
cigare ou tire des bouffées de sa cigarette sans porter la main à sa bouche
pour éviter qu’un atome de fumée y pénètre.” Mais que se passe-t-il du côté du
cercle polaire, si les journées durent 23 heures, soleil de minuit
oblige ? La réponse est dans l’article, qui cite les autorités de la
mosquée de Paris : “Le Coran permet de prendre une moyenne car le ramadan
n’est pas une épreuve inhumaine”.
Plus loin, Le Petit journal explique encore que le mouton du beïram que les
musulmans tueront un peu partout en l’honneur de la fin de trente jours de
jeûne, “rappelle celui que l’Ange Gabriel apporta du ciel et plaça sous le
couteau d’Abraham pour sauver la vie d’Isaac”.
Il y a près d'un siècle, la presse relatait plutôt avec bienveillance
ramadan et Aïd el-Fitr, peut-on découvrir en parcourant le site des archives de
presse de la BNF. Il s'agit d'abord du ramadan dans le monde musulman (Algérie,
protectorats et pays arabes) et pas chez les musulmans installés en France.
Sirop de violette et velours vert épinard, Le Figaro racontait ainsi pour sa part avec un brin d’orientalisme mais globalement de la
sympathie la fin du ramadan, trente ans plus tôt. C’était sous la plume de la
Française Jeanne Puech, qui signait sous pseudo Jehan d'Ivray. Mariée à un
Egyptien, elle chroniquait ainsi la fin du Ramadan en Egypte dans le quotidien
français en 1906 :
C'est là le beau côté de cette religion et de ce pays extraordinaire où il
semble que le soleil en brûlant les fronts réchauffe les cœurs. Plus que
partout ailleurs, ici, la fête est générale, et le peuple, si misérable
soit-il, à sa part de toutes les joies.
Puis la presse s'invite à la Mosquée de Paris ou chez les musulmans de
France, qu'elle appelle encore parfois "indigènes ou mahométans",
mais de plus en plus "musulmans". En 1936, Paris Soir vante ainsi
"les pâtes de fruits odorantes qui circulent à la Mosquée de Paris"
où le quotidien a envoyé un journaliste pour chroniquer l'Aïd.
Dans les archives radiophoniques, la toute première évocation du ramadan
remonte à 1938, avec un sujet sur le mois de jeûne en Tunisie. Mais dès 1946,
un reportage sonore de trois minutes raconte la fin du ramadan depuis la
Mosquée de Paris, darboukas et chants religieux au micro. Malgré la piètre qualité du son qui pique un
peu les oreilles, vous pouvez tout de même vous replonger dans ce document qui
raconte un traitement bienveillant de l'islam par les médias à l'époque.
C'était il y a 72 ans et le journaliste Claude Darget achevait son
reportage sur ces mots :
Il ne me reste plus qu'à souhaiter à nos amis musulmans de Paris de pouvoir
suivre fidèlement leurs préceptes religieux car si jeûner est quelque fois
désagréable, ne pas jeûner reste un problème monétaire ardu.
Source : franceculture.fr/histoire/ramadan-dans-les-archives
Kader Tahri
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