Vérités et mensonges sur la guerre en Syrie
Le père Elias Zahlaoui, prêtre de Syrie à l’église Notre-Dame de
Damas, dans le quartier de Koussour a présenté le 6 Décembre 2017, une
allocation devant le Parlement Européen, lors d’une conférence sur la
Paix et la reconstruction de la Syrie, pour dénoncer la propagande
occidentale sur la Syrie et les outrances irresponsables envers l’Islam
et les Musulmans en faisant par que les chrétiens d’Orient ont toujours
vécu en harmonie avec les musulmans et les Juifs et ils doivent pouvoir
continuer à vivre de façon conviviale et paisible avec toutes les
communautés.
Nous musulmans, nous pouvons témoigner pour évoquer la mémoire du
cardinal Duval s’élevant contre le colonialisme et la torture durant la
Guerre d’Algérie.
Il y en a d’autres, beaucoup d’autres soeur Marie-Thérèse Brau, femme de cœur et de volonté
Sans pour autant oublier le père Henri Tessier archevêque d’Alger,
qui dénonçait le soutien occidental au terrorisme durant la décennie
noire en Algérie.
Je peux même oser à dire, en toute fraternité, que l’église a réellement besoin du Père Elias Zehlaoui.
Merci et grand Merci pour ce formidable discours de grande sagesse,
d’une honnêteté exemplaire qui véhicule une lueur d’espoir, il est
important d'espéré, car tout change, même l'être humain ne fait pas
exception.
Kader Tahri
Allocution d’un prêtre de Syrie Elias Zahlaoui devant le Parlement Européen, le 6 décembre 2017
De la part du Père Élias Zahlaoui, prêtre syrien patriote, fier de
son arabité tout en habitant la langue française. Il est depuis
toujours au cœur de la seule bataille qui compte, celle de la justice
due à chacun et notamment aux plus pauvres et aux maltraités par les
plus puissants.
Ses lettres ouvertes, adressées depuis plus de trente ans aux
responsables politiques et religieux de ce monde, sont de véritables
chefs-d’œuvre de l’intelligence d’autrui, de la compassion pour l’autre
et, selon ses propres termes, des bouteilles à la mer qu’il espère
atteindre leurs destinataires.
En mars 2016, nombre de Français ont découvert avec une grande
émotion la « Chorale Chœur Joie » qu’il a fondée en 1977 : une tournée
de quatorze jours de cent quatorze enfants chrétiens entourés de
musiciens musulmans, pour un magnifique programme fondé sur les
patrimoines musulman, syriaque, chrétien, et aussi sur l’ensemble du
patrimoine levantin. Un programme qu’il avait annoncé, en ces termes, à
partir de Damas :
« Nous espérons que nos voix montent jusqu’à influencer les
responsables français. Mais encore plus que d’être entendues par les
responsables français, je souhaite qu’elles touchent de très près tous
les Syriens résidant en France, qu’ils soient avec la Syrie ou en dehors
de la Syrie. Je souhaite que cette rencontre les amène à accepter de
remettre en cause où ils en sont, ce que cherche l’Occident et ce que
veulent ceux qui le poussent à la destruction systématique de la Syrie
depuis cinq ans.
C’est un sujet qui mérite qu’on s’y arrête longuement et qu’on le
révise en profondeur, sans laisser place aux émotions et aux haines
personnelles, sans réactions hâtives.
Nous sommes face à l’Histoire, face à une réalité qui englobe tout le
passé ainsi que le présent et qui cherche à supprimer l’avenir. Nous
sommes face à une grande question : voulons-nous rester et vivre, ou
bien choisirons-nous la mort qu’ils veulent pour nous ?
Je m’attends à ce que la réponse soit, d’une façon ou d’une autre, pour la vie, la dignité, l’Histoire et la Civilisation ».
Le 6 décembre dernier, il s’exprimait devant le Parlement européen à
l’occasion de la « Conférence sur la paix et la reconstruction de la
Syrie ». Les deux versions de son allocution, française et arabe, sont
de la même veine. On pourrait presque entendre sa voix puissante et
limpide, portée par la passion de l’humain et la colère contre
l’arrogance destructrice.
Mouna Alno
Allocution d’un prêtre de Syrie Elias Zahlaoui devant le Parlement Européen, le 6 décembre 2017
Mesdames, Messieurs,
La crise syrienne a soulevé, soulève et soulèvera des questions, pour le moins gênantes.
Questions, en premier lieu sur la légitimité de cette guerre universelle contre la Syrie.
Questions aussi sur les enjeux politiques et économiques, apparents ou cachés, de cette guerre.
Questions enfin sur les issues possibles et à venir, au plan tant régional que mondial, de cette guerre.
Pour ma part, prêtre arabe catholique, descendant de la toute
première communauté chrétienne de Syrie, j’ai jugé de mon devoir de
syrien et de citoyen du monde à la fois, de vous proposer mon approche
personnelle de l’une des raisons profondes de la résistance absolument
inattendue, que la Syrie a opposée à cette guerre.
D’ailleurs, vous le savez tous, c’est cette résistance même qui lui a
valu, entre autres, l’appui inconditionnel d’alliés comme la Russie et
l’Iran, qui se savaient menacés du même sort, si la Syrie venait à
tomber.
Tout au long de sept ans bientôt, nuit et jour, vos tout puissants
médias, vous ont asséné des ʺcertitudesʺ indiscutables, entre autres,
celle d’une guerre civile en Syrie, et celle d’un régime de dictature,
qui massacre impunément son propre peuple.
Tout cela, Mesdames, Messieurs, ne vous rappelle-t-il pas, les
scénarios utilisés pour la destruction de l’Irak, puis de la Libye ?
Une levée chevaleresque de tout l’Occident, conduite au sein des
Nations-Unies, par les États-Unis, a valu à la Syrie une déclaration de
guerre, de la part de (140) pays – pas plus ! – ainsi qu’un embargo
militaire, économique et financier, sans précédent.
Cependant devant l’échec de la mise en application du célèbre droit
d’ingérence, prétendument humanitaire, dont le mérite d’invention
revient à Mr Bernard KOUCHNER, des centaines de milliers de soi-disant
ʺDjihadistesʺ musulmans, furent, par, qui vous savez, levés à travers
une centaine de pays, dont des pays européens et américains, embrigadés,
armés, entraînés, payés, enfin téléguidés, voire commandés par des
spécialistes des réseaux des plus puissants services secrets, pour être
envoyés par vagues successives, à longueur d’années, en Syrie, pour y
promouvoir, disait-on, la démocratie, et sauvegarder les droits de
l’homme.
Le bilan de cette malheureuse aventure, sur le plan strictement
humain, le voici en gros, d’après les évaluations des Nations-Unies :
A- Sur une population de 24.000.000 d’habitants, 12.000.000
d’errants sur les routes, soit à l’intérieur du pays, soit ailleurs au
niveau du monde entier, voire sur mer…
B-400.000 morts, abstraction faite de toute appartenance religieuse, de toute condition et de tout âge…
C-Des centaines de milliers d’handicapés…
D- Des dizaines de milliers de disparus…
Et pourtant l’État syrien a tenu, son Président a tenu, son armée a
tenu, sa population a tenu, ses institutions gouvernementales de tous
ordres ont tenu, son corps diplomatique a tenu, ses Instances
universitaires et scolaires, tant gouvernementales que privées, ont
tenu, tous les fonctionnaires d’État, en poste ou en retraite, même ceux
des zones assiégées par les ʺDjihadistesʺ d’Alkaïda, Al-Nousra, Daëch
et consorts, ont été et sont jusqu’à ce jour, régulièrement payés…
Devant cet état de fait, absolument incontournable, l’un de vos
meilleurs connaisseurs de la crise syrienne, le français Michel
RAIMBAUD, a osé écrire, il y a un mois, que tout cela frôle le miracle…
Miracle ou pas, avouons que cette résistance inattendue de la Syrie, a
déjà provoqué bien des interrogations, et ébranlé bien des certitudes
ʺpolitiquement correctesʺ…
Pour tout dire, cette résistance exige sans retard, des efforts
honnêtes de recherche tenace et courageuse, loin de tout calcul mesquin
ou chauvin. Car il s’agit pour vous tous de comprendre le secret de ce
terreau strictement humain, de la Syrie profonde, qui seul explique ce
qui vous paraît inexplicable dans cette résistance même.
D’ailleurs sans cette urgence, je vous avoue que je ne me serais
jamais permis de venir ici, tant ma méfiance à l’égard de tout
l’Occident, Société et Église à la fois, est grande.
En fait, il s’agit pour nous tous, habitants de cette splendide
planète, d’une leçon urgente et capitale à tirer, avant qu’il ne soit
trop tard.
Que cette assertion vous étonne ou vous indigne, je me dois de vous
dire, en prêtre qui vit en une société arabe à majorité musulmane, et
qui croit bien connaître les musulmans et leur histoire, que vous avez,
vous-mêmes occidentaux, consciemment ou inconsciemment, créé de toutes
pièces, en Occident, deux mondes musulmans, qui n’ont, en fait, rien à
voir avec l’Islam.
Le premier de ces deux mondes, concerne les innombrables
agglomérations musulmanes qui parsèment aujourd’hui tout l’Occident. Ces
agglomérations, vous vous en êtes servis pendant des décades, pour
faire les travaux que vos concitoyens répugnaient à faire. Or leur
grande majorité vit jusqu’à ce jour, marginalisée au sein de vos
sociétés, et écrasée par un sentiment d’infériorité, qui risque de se
transformer subitement en un ressentiment explosif et ravageur. Vous en
avez déjà eu des preuves inquiétantes.
Le second de ces deux mondes, concerne les innombrables groupes de
ʺDjihadistesʺ, que vous avez cru pouvoir créer et utiliser, pour
détruire ʺles autresʺ, tout en vous croyant à l’abri de toute surprise
désagréable, en misant uniquement sur ce que vous croyez être, vos
tout-puissants réseaux de défense. Or vous avez tous vite déchanté.
Mais quel est donc l’Islam, me diriez-vous ?
Mesdames, Messieurs,
Ici, permettez-moi de vous inviter à une lecture objective de l’histoire des premières conquêtes musulmanes :
Damas en 635, Jérusalem en 638, L’Égypte en 641, L’Andalousie en 711
En toutes ces conquêtes sans exception, les musulmans ont eu le génie
d’inventer un style de vie avec les habitants chrétiens des pays
conquis, qu’aucun envahisseur n’a jamais connu, ni avant ni après
l’apparition de l’Islam. Et ce style nouveau a produit une convivialité
faite de collaboration réelle avec les habitants, dans le respect de
leurs églises, couvents, habitations, propriétés, activités, et tout
cela en échange d’un tribut qui s’avérait inférieur au tribut que les
byzantins chrétiens leur avaient imposé, sans parler des exactions et
violences de toutes sortes que les byzantins ʺorthodoxesʺ imposaient
régulièrement aux habitants ʺnon orthodoxesʺ de ces pays, qui finirent
par voir dans l’envahisseur arabe et non chrétien, un libérateur !
Je m’en voudrais de ne pas souligner que cette convivialité étonnante
a surtout permis à tous les habitants de ces pays conquis, tant
musulmans que chrétiens et juifs, de vivre ensemble, de travailler
ensemble, voire de collaborer au plus haut niveau de l’administration du
Khalifat.
Cette convivialité s’est approfondie et enrichie au cours des
siècles, au point d’avoir fait de certains penseurs arabes chrétiens du
19e siècle, les créateurs de l’arabisme, et de nombre d’entre eux, au
20e siècle, les fondateurs et leaders de puissants partis politiques
arabes, en Égypte, en Syrie, au Liban et en Palestine.
Or c’est cette convivialité même qui constitue le fond du tissu
solide de la société syrienne, et qui explique l’une des raisons
profondes de sa résistance au cours des siècles en dépit de tous les
bouleversements que cette société a connus jusqu’à ce jour.
Une tornade si violente et si longue fût-elle, ne peut venir à bout
d’une forêt d’une vie commune qui a mis 1.400 ans à enfoncer ses racines
dans une bonne terre. Telle est la Syrie d’aujourd’hui.
D’ailleurs, si l’Islam avait été l’espace d’un jour, à l’image de vos
ʺDjihadistesʺ d’aujourd’hui, aucun chrétien n’aurait survécu aux
invasions musulmanes connues.
Si devant de telles assertions, vous avez l’ombre d’un doute,
permettez-moi de vous renvoyer aux seuls historiens juifs, et même
israéliens. Je ne vous en citerai que trois de nos contemporains : le
premier, un israélien, Aba EBAN, dans son livre ʺMon Peupleʺ, le second,
un français, et c’est le rabbin Josy EISENBERG, dans son livre ʺUne
histoire des juifsʺ, le troisième, un américain, Abraham LEON ZACHAR,
dans son livre monumental ʺHistoire des juifsʺ.
Oui, mes amis, l’Occident aujourd’hui a beaucoup à apprendre de
l’Islam même conquérant, pour se sauver de l’Islam qu’il s’est créé,
d’abord en son sein, ensuite au niveau du monde.
L’histoire apprend à qui veut l’entendre, que c’est au faîte de son
pouvoir, que l’on reconnaît la valeur réelle d’une personne, d’une
société, d’un peuple, d’une religion.
Serait-ce donc si blessant de dire que l’Islam, au faîte de son
pouvoir, a en ses croyants, réussi au cours de l’histoire, là même où le
christianisme a lamentablement échoué en ses croyants ?
Tout cela, Mesdames, Messieurs, croyez-moi, vous concerne au plus
haut point. Car il s’agit, me semble-t-il, de l’avenir non de l’Occident
seul, mais du monde entier.
Mes amis,
L’Occident aujourd’hui, tout l’Occident sans exception, si puissant
soit-il, a le plus haut intérêt à revoir rapidement toutes ses
politiques, à l’intérieur de ses frontières, et au-delà au niveau du
monde entier.
Oui je dis bien aujourd’hui, et pas demain. Car demain comme beaucoup
le craignent, se prépare dans une arrogance aveugle, un cataclysme
mondial auprès duquel la seconde guerre mondiale paraîtrait comme un jeu
d’enfant.
Mesdames, Messieurs,
Pour finir, laissez-moi vous raconter un fait récent, hautement significatif, survenu le 27 septembre 2001.
En ce jour, était organisé pour la première fois à Damas, un concert
commun de chants religieux, entre une chorale d’église que j’avais
fondée en 1977, et la troupe de chanteurs musulmans, de la célèbre
mosquée des Omeyades.
Ce concert avait lieu sur le parvis de la Cathédrale Grecque
Catholique de Damas. Une foule impressionnante y assistait, dont des
évêques, des prêtres et des ulémas musulmans.
Entre autres invités de marque, il y avait la Troïka européenne,
présidée par Mr Xavier SOLANA. Mr Louis MICHEL, alors ministre belge des
affaires étrangères, en faisait partie.
Cette délégation était accompagnée d’un reporter de la TV belge, un certain Joseph MARTIN.
La Troïka européenne assista au concert l’espace de vingt minutes seulement, pressée qu’elle était par d’autres engagements.
Or au moment où elle quittait le parvis de la Cathédrale, Mr Joseph
MARTIN faisait son reportage devant le cameraman de la TV belge. Je l’ai
bien écouté. J’ai donc gardé de son reportage, ce mot bien ancré dans
ma mémoire. Je vous prie de bien l’écouter :
« Mr BERLUSCONI, au lieu d’insulter le monde arabe et de mépriser la
civilisation musulmane, aurait dû venir ici, pour combler son ignorance
».
Mesdames, Messieurs, Merci.
Père Élias Zahlaoui